A review by alexandre_rl
Le Dahlia noir by James Ellroy

3.0

Le 15 janvier 1947, le corps d’Elizabeth Short, surnommée le Dahlia Noir par la presse à sensation, est retrouvé charcuté et vidé de son sang dans un terrain vague de Los Angeles. Le coupable ne sera jamais appréhendé. Le 22 juin 1958, le petit James Ellroy, alors tout juste âgé de 10 ans, perd sa mère dans d’affreuses circonstances; violée et assassinée, son meurtrier toujours au large ou mort depuis longtemps. Quand l’enfant découvre l’affaire du Dahlia Noir, il y voit un double de sa mère, un substitut sur lequel transférer les émotions tiraillées d’un deuil qu’il n’a pas les outils pour traverser. En 1987, il publie « Le Dahlia Noir », dédié à sa mère en lettres de sang.

Un classique de la littérature policière, un roman cathartique où Elizabeth Short et Geneva Ellroy sont enfin vengées. Du même coup, le premier « grand » Ellroy, le roman qui l’a confirmé comme un auteur sérieux à garder dans sa mire. Mon premier Ellroy d’ailleurs, que je connais depuis longtemps mais que je n’avais jamais pris le temps d’essayer. Je sais que c’est un incontournable de cet écrivain, mais je sais aussi que ce n’est pas considéré comme son chef-d’œuvre. L’histoire derrière l’écriture du roman et le meurtre réel autour duquel Ellroy construit cette sombre fiction ont quand même suffit à piquer ma curiosité.

« Le Dahlia Noir » est un roman très inégal. Inégal dans ses qualités littéraires, inégal dans l’intérêt de ses intrigues et sous-intrigues, inégal dans le développement de ses personnages. Son protagoniste est un policier typique du roman noir, sans foi ni loi, tombeur de ces dames, névrosé, problèmes plus ou moins importants de consommation, etc. On dirait qu’on n’y échappe jamais. Je ne suis pas spécialement fan de ce genre de personnages peu crédibles qui font très écrits et qu’on ne rencontre probablement pas souvent sur le terrain. Le roman est paru dans les années 80, mais déjà à cette époque on pouvait parler d’un cliché.

C’est un peu dommage, mais j’oserais dire que tout ce qui ne concerne pas directement l’enquête sur le meurtre du Dahlia Noir est assez ennuyant. Pendant de longs chapitres, Ellroy se perd en sous-intrigues qui deviennent rapidement essoufflantes, remplies de personnages secondaires plus ou moins bien écrits qu’on a hâte de quitter pour revenir à ce qui nous intéresse. Quand on se concentre sur la vie maritale du protagoniste ou sur ses infidélités, c’est peut-être pire encore. L’obsession sexuelle du policier pour Elizabeth Short n’est pas du tout convaincante et paraît sortie de nulle part. Ellroy manque grandement de finesse dans l’élaboration de la psychologie de son personnage au point d’en être presque infantile. Il y a peut-être quelque chose à dire de son propre complexe oedipen avoué qu’il a traîné dans l’âge adulte.

Malgré tout, il faut le donner à Ellroy, il connaît son Dahlia Noir et il connaît sa police. Quand on est dans le nerf de la guerre, dans l’enquête principale, l’auteur brille par son sens du détail, par ses descriptions à glacer le sang, par son flair pour le suspense et le timing. Le dénouement est satisfaisant, la scène finale percutante et menée de main de maître. On voit que c’est en écrivant sur Short qu’Ellroy trouve ses plus beaux élans d’inspiration, et c’est aussi là qu’il échappe le plus aux banalités du genre. Mes sentiments sur ce roman demeurent partagés. Je ne regrette pas de l’avoir lu, mais il est rempli de moments qui m’ont fait un peu soupirer, que ce soit par ennui ou exaspération. La virtuosité y côtoie la fausse manœuvre presque à parts égales.