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A review by merelvanderschoot
Le Soleil des Scorta by Laurent Gaudé
emotional
mysterious
reflective
fast-paced
- Plot- or character-driven? Character
- Strong character development? It's complicated
- Loveable characters? Yes
- Diverse cast of characters? No
- Flaws of characters a main focus? Yes
5.0
« Nous voilà au bout du monde, pensa l’homme. Je rêve depuis quinze ans à cet instant. »
« Les tomates qui sèchent sur les balcons vivront plus longtemps que moi. »
Une famille devait naître de ce jour de soleil brûlant parce que le destin avait envie de jouer avec les hommes, comme les chats le font parfois, du bout de la patte, avec des oiseaux blessés.
« Les fléaux, don Giorgio. Souvenez-vous des fléaux et demandez au Seigneur pourquoi il ronge la terre, parfois, d'incendies ou de sécheresses. Je suis une épidémie, mon père. Rien de plus. Un nuage de sauterelles. Un tremblement de terre, une maladie infectieuse. Tout est sens dessus dessous.
Je suis fou. Enragé. Je suis la malaria. Et la famine.
Demandez au Seigneur. Je suis là. Et je ferai mon temps. »
Comme si la mort, avant de prendre les hommes, avait besoin de les alléger.
La miséricorde de Dieu est une eau facile dans laquelle les lâches se lavent le visage.
« Réjouissez-vous. Je meurs. »
Il avait la rudesse de la terre du Sud et le regard noir des hommes sans peur.
« Il fait trop beau en ce moment", dit Dome-nico. Et comme Elia ne comprenait pas, il lui fit signe de rentrer, lui servit à boire et lui expliqua.
"Il fait trop beau. Depuis un mois, le soleil tape. Il était impossible que tu partes. Lorsque le soleil règne dans le ciel, à faire claquer les pierres, il n'y a rien à faire. Nous l'aimons trop, cette terre. Elle n'offre rien, elle est plus pauvre que nous, mais lorsque le soleil la chauffe, aucun d'entre nous ne peut la quitter. Nous sommes nés du soleil, Elia.
Sa chaleur, nous l'avons en nous. D'aussi loin que nos corps se souviennent, il était là, réchauffant nos peaux de nourrissons. Et nous ne cessons de le manger, de le croquer à pleines dents. Il est là, dans les fruits que nous mangeons. Les pêches.
Les olives. Les oranges. C'est son parfum. Avec l'huile que nous buvons, il coule dans nos gorges.
Il est en nous. Nous sommes les mangeurs de soleil. Je savais que tu ne partirais pas. S'il avait plu Ces derniers jours, peut-être, oui. Mais là, c'était impossible. »
« C'est de l'or, disait l'oncle. Ceux qui disent que nous sommes pauvres n'ont jamais mangé un bout de pain baigné de l'huile de chez nous. C'est comme de croquer dans les collines d'ici. Ça sent la pierre et le soleil. Elle scintille. Elle est belle, épaisse, onctueuse. L'huile d'olive, c'est le sang de notre terre. Et ceux qui nous traitent de culs-terreux n'ont qu'à regarder le sang qui coule en nous. Il est doux et généreux. Parce que c'est ce que nous sommes: des culs-terreux au sang pur. De pauvres bougres à la face ravinée par le soleil, aux mains calleuses, mais au regard droit. Regarde la sécheresse de cette terre tout autour de nous, et savoure la richesse de cette huile. Entre les deux, il y a le travail des hommes. Et elle sent cela aussi, notre huile. La sueur de notre peuple. Les mains calleuses de nos femmes qui ont fait la cueillette. Oui. Et c'est noble. C'est pour cela qu'elle est bonne. Nous sommes peut-être des miséreux et des ignares, mais pour avoir fait de l'huile avec des caillasses, pour avoir fait tant avec si peu, nous serons sauvés.
Dieu sait reconnaître l'effort. Et notre huile d'olive plaidera pour nous."
La liberté, don Salvatore. Il faut être riche pour être libre, répondit Elia, étonné que don Sal-vatore ne comprenne pas.
« Alors, je suis calabrais, reprit don Salvatore et en Calabre, lorsqu'on est rongé par l'amour on danse la tarentelle. Il en sort toujours quelque chose. D'heureux ou de tragique. »
J'insulte tous les jours la mer de me l'avoir enlevé.
Raffaele quittait Montepuccio et tous les hommes sur son passage enlevèrent leur chapeau et baissèrent la tête, conscients qu'à leur tour, ils ne tarderaient pas à disparaître et que cela ne ferait pas pleurer les oliviers.
« Les femmes ont des yeux plus grands que les étoiles. »
« Je suis loin, pensatil Le monde ne m'entend plus. Est-ce que cela ferais plaisir à mon frère de savoir que c'est lui que a appelé lorsque j'ai dit adieu au monde ? »
« J'avance. Je suis escorté par un long banc de poulpes. Les poissons entourent ma barque et la portent sur leurs dos d'écailles. Je m'éloigne. Le soleil me montre le chemin. Je n'ai qu'à suivre sa chaleur et soutenir son regard. Il se fait moins aveuglant pour moi. Il m'a reconnu. Je suis un de ses fils. Il m'attend. Nous plongerons ensemble dans les eaux. Sa grande tête hirsute de feu fera frémir la mer. De gros bouillons de vapeur signaleront à ceux que je quitte que Donato est mort. Je suis le soleil..
. Les poulpes m'accompagnent...
Je suis le soleil... Jusqu'au bout de la mer... »
« Oui, la terre retrem-blera. La terre retremblera. Parce que les morts ont faim »
Je suis des journées de tristesse au pied de la plus grande des villes...J'ai été enragée, lâche et géné-reuse... Je suis la sécheresse du soleil et le désir de mer.
La dernière des Scorta. Elle choisissait ce nom. Elle choisissait la lignée des mangeurs de soleil. Cet appétit insa-tiable, elle le faisait sien. Rien ne rassasie les Scorta. Le désir éternel de manger le ciel et de boire les étoiles. Il voulut répondre quelque chose mais à cet instant la musique reprit, couvrant les murmures de la foule. Il ne dit rien. Il serra fort la main de sa fille dans la sienne.
Les hommes, comme les olives, sous le soleil de Montepuccio, étaient éternels.
« Les tomates qui sèchent sur les balcons vivront plus longtemps que moi. »
Une famille devait naître de ce jour de soleil brûlant parce que le destin avait envie de jouer avec les hommes, comme les chats le font parfois, du bout de la patte, avec des oiseaux blessés.
« Les fléaux, don Giorgio. Souvenez-vous des fléaux et demandez au Seigneur pourquoi il ronge la terre, parfois, d'incendies ou de sécheresses. Je suis une épidémie, mon père. Rien de plus. Un nuage de sauterelles. Un tremblement de terre, une maladie infectieuse. Tout est sens dessus dessous.
Je suis fou. Enragé. Je suis la malaria. Et la famine.
Demandez au Seigneur. Je suis là. Et je ferai mon temps. »
Comme si la mort, avant de prendre les hommes, avait besoin de les alléger.
La miséricorde de Dieu est une eau facile dans laquelle les lâches se lavent le visage.
« Réjouissez-vous. Je meurs. »
Il avait la rudesse de la terre du Sud et le regard noir des hommes sans peur.
« Il fait trop beau en ce moment", dit Dome-nico. Et comme Elia ne comprenait pas, il lui fit signe de rentrer, lui servit à boire et lui expliqua.
"Il fait trop beau. Depuis un mois, le soleil tape. Il était impossible que tu partes. Lorsque le soleil règne dans le ciel, à faire claquer les pierres, il n'y a rien à faire. Nous l'aimons trop, cette terre. Elle n'offre rien, elle est plus pauvre que nous, mais lorsque le soleil la chauffe, aucun d'entre nous ne peut la quitter. Nous sommes nés du soleil, Elia.
Sa chaleur, nous l'avons en nous. D'aussi loin que nos corps se souviennent, il était là, réchauffant nos peaux de nourrissons. Et nous ne cessons de le manger, de le croquer à pleines dents. Il est là, dans les fruits que nous mangeons. Les pêches.
Les olives. Les oranges. C'est son parfum. Avec l'huile que nous buvons, il coule dans nos gorges.
Il est en nous. Nous sommes les mangeurs de soleil. Je savais que tu ne partirais pas. S'il avait plu Ces derniers jours, peut-être, oui. Mais là, c'était impossible. »
« C'est de l'or, disait l'oncle. Ceux qui disent que nous sommes pauvres n'ont jamais mangé un bout de pain baigné de l'huile de chez nous. C'est comme de croquer dans les collines d'ici. Ça sent la pierre et le soleil. Elle scintille. Elle est belle, épaisse, onctueuse. L'huile d'olive, c'est le sang de notre terre. Et ceux qui nous traitent de culs-terreux n'ont qu'à regarder le sang qui coule en nous. Il est doux et généreux. Parce que c'est ce que nous sommes: des culs-terreux au sang pur. De pauvres bougres à la face ravinée par le soleil, aux mains calleuses, mais au regard droit. Regarde la sécheresse de cette terre tout autour de nous, et savoure la richesse de cette huile. Entre les deux, il y a le travail des hommes. Et elle sent cela aussi, notre huile. La sueur de notre peuple. Les mains calleuses de nos femmes qui ont fait la cueillette. Oui. Et c'est noble. C'est pour cela qu'elle est bonne. Nous sommes peut-être des miséreux et des ignares, mais pour avoir fait de l'huile avec des caillasses, pour avoir fait tant avec si peu, nous serons sauvés.
Dieu sait reconnaître l'effort. Et notre huile d'olive plaidera pour nous."
La liberté, don Salvatore. Il faut être riche pour être libre, répondit Elia, étonné que don Sal-vatore ne comprenne pas.
« Alors, je suis calabrais, reprit don Salvatore et en Calabre, lorsqu'on est rongé par l'amour on danse la tarentelle. Il en sort toujours quelque chose. D'heureux ou de tragique. »
J'insulte tous les jours la mer de me l'avoir enlevé.
Raffaele quittait Montepuccio et tous les hommes sur son passage enlevèrent leur chapeau et baissèrent la tête, conscients qu'à leur tour, ils ne tarderaient pas à disparaître et que cela ne ferait pas pleurer les oliviers.
« Les femmes ont des yeux plus grands que les étoiles. »
« Je suis loin, pensatil Le monde ne m'entend plus. Est-ce que cela ferais plaisir à mon frère de savoir que c'est lui que a appelé lorsque j'ai dit adieu au monde ? »
« J'avance. Je suis escorté par un long banc de poulpes. Les poissons entourent ma barque et la portent sur leurs dos d'écailles. Je m'éloigne. Le soleil me montre le chemin. Je n'ai qu'à suivre sa chaleur et soutenir son regard. Il se fait moins aveuglant pour moi. Il m'a reconnu. Je suis un de ses fils. Il m'attend. Nous plongerons ensemble dans les eaux. Sa grande tête hirsute de feu fera frémir la mer. De gros bouillons de vapeur signaleront à ceux que je quitte que Donato est mort. Je suis le soleil..
. Les poulpes m'accompagnent...
Je suis le soleil... Jusqu'au bout de la mer... »
« Oui, la terre retrem-blera. La terre retremblera. Parce que les morts ont faim »
Je suis des journées de tristesse au pied de la plus grande des villes...J'ai été enragée, lâche et géné-reuse... Je suis la sécheresse du soleil et le désir de mer.
La dernière des Scorta. Elle choisissait ce nom. Elle choisissait la lignée des mangeurs de soleil. Cet appétit insa-tiable, elle le faisait sien. Rien ne rassasie les Scorta. Le désir éternel de manger le ciel et de boire les étoiles. Il voulut répondre quelque chose mais à cet instant la musique reprit, couvrant les murmures de la foule. Il ne dit rien. Il serra fort la main de sa fille dans la sienne.
Les hommes, comme les olives, sous le soleil de Montepuccio, étaient éternels.