Beaucoup de détresse, beaucoup d'enchantement.

Voilà un livre qui trainait dans ma bibliothèque depuis le cégep. Je l’avais lu (en diagonal) dans le cadre d’un cours de production orale, et il m’a suivi ensuite suivi de déménagement en déménagement. J’imagine que je me disais inconsciemment qu’il faudrait bien que j’y retourne un jour, parce que c’est Gabrielle Roy, quand même…

À mes yeux, La détresse et l’enchantement est le récit d’une fuite, puis d’une conquête de soi. J’avoue avoir trouvé la première partie vraiment pénible. Son enfance au Manitoba, la grosse misère noire de la petite canadienne française, les sacrifices de sa mère... tout ça là c’est venu me chercher dans mes fibres de Québécoise, ça a conjuré des émotions qui appartiennent à mes ancêtres et que je ne savais même pas qui dormaient en moi. J’étouffais, comme elle dans la maison familiale, j’avais juste hâte d’en sortir.

Et puis enfin, elle finit par quitter le bercail pour aller enseigner dans un patelin, à la fameuse Petite Poule d’Eau. C’est encore la misère, mais au moins elle est libre, elle avance. “Je devenais heureuse. Je m’apaisais dans l’île où j’étais arrivée le coeur si affolé d’angoisse. (...) J’étais comme coupée de mon passé et pour ainsi dire sans avenir. (...) J’étais délivrée. J’étais dans le présent comme mon île portée sur ses eaux.” C’est là que j’ai embarqué, que j’ai eu envie de continuer à la suivre… jusqu’à Paris, puis à Londres. Et c’est aussi à partir de ce moment-là que j’ai vraiment pu commencer à savourer son écriture. Les phrases sont longues, parfois étrangement construites, mais son style est tellement riche et évocateur. J’ai eu l’impression de découvrir le vieux monde en même temps qu’elle et de marcher dans les rues de la grande ville accrochée à son bras.

Pour ceux qui s’intéressent à l’écriture, c’est aussi un bonheur de lire sur ses premiers balbutiements. C’est en tout cas quelque chose qui me fascine. L’humilité de la jeune femme qui doute de son talent et de sa vocation, mais malgré tout cette nécessité d’écrire et parfois, si peu souvent, l’ivresse quand viennent les mots justes. “(...) travaillant au grenier, sous ma plume était venue une phrase qui me paraissait contenir une lueur de ce que je cherchais à dire. Miracle! L’expression de la douleur vengerait-elle de la douleur? Ou de dire un peu ce qu’est la vie nous réconcilierait-il avec la vie?”

Probablement le meilleur livre de Gabrielle Roy...

Je n'étais alors, me semble-t-il, qu'une sourde attente, une disponibilité inconsciente, quelqu'un qui attend le train. (p. 534) Quelqu’un m’a dit « une splendeur » & c’est le mot qui colle le mieux aux pages. Pourquoi c’est aussi merveilleux de constater que la découverte de soi est tortueuse, confuse, d’un égoïsme épineux mais inévitable? À l’endos du livre, Gabrielle Roy te regarde fixement, des lignes plein le front, les sourcils serrés, & te laisse répondre toute seule à celle-là.

Il y a de beaux parallèles à faire entre le vie de Roy telle qu'elle la raconte & les mémoires de Simone de Beauvoir, que je prends tellement de plaisir à lire ces temps-ci. L'avant-guerre, le rejet du conventionnel, les rencontres fulgurantes qui nous façonnent, une certaine bohème qui est surtout, peut-être, le refus d'accepter sans se poser de questions le destin fade & tranquille qui semble nous guetter. Pour Roy, s'ajoute cependant une dimension identitaire, linguistique, qui m'a beaucoup touchée. Francophone du Manitoba, d'une espèce destinée à être traité en inférieure (p. 11), elle revient sans cesse sur les écarts entre sa langue & celle des autres : son accent en anglais, sa manière de parler français à Paris, ses misérables cours de diction à Londres. La fois où, perdue au milieu de nulle part, elle essaie d'imiter l'accent provençal pour jouer, ratoureuse, sur la crédulité d'un automobiliste de Nîmes. La fois où elle découvre le Québec, aussi, & où elle se rend compte qu'elle y est autre : sympathique, parlant comme nous autres, mais pas tout à fait de la famille. (p. 150)

Dernière chose : fascinée & reconnaissante qu'elle parle de l'écriture sans l'idéaliser. Elle y arrive de façon détournée & passe beaucoup de temps à se mettre en scène comme novice, enthousiaste mais franchement pas ben bonne, pas seulement au début mais pendant un grand bout de temps. Le livre se termine au moment où elle commence à réfléchir à ce qui deviendra Bonheur d'occasion, mais on sent déjà la tension qui se dessine entre ses ambitions littéraires & la vie autour d'elle. Mes livres m'ont pris beaucoup de temps dérobé à l'amitié, l'amour, les devoirs humains. Mais pareillement l'amitié, l'amour, les devoirs m'ont pris beaucoup de temps que j'aurais pu donner à mes livres. En sorte que ni mes livres ni ma vie ne sont aujourd'hui contents de moi. (p. 183)

C'est une splendeur.

De peine et de misère je l’ai terminé.
J’ai décidé de ne pas y mettre de note, parce que je vais sûrement en froisser davantage si je le fais.
J’aurais cru que le volet autobiographique m’aurait plu..
Je n’ai pas adhéré à la plume de Gabrielle Roy (sacrilège je sais bien)
J’ai trouvé que c’était très axé sur les lieux et les descriptions. Elle nous dit ce qui est arrivé au lieu de nous le faire vivre (ou de me le faire vivre, écrivons ça au Je-me-moi).
J’ai trouvé qu’il y avait un aspect nostalgique dans l’écriture, mais il est difficile de me faire vivre quelque chose de nostalgique que je n’ai pas vécu (ça va carrément à l’encontre de la définition de la nostalgie).
L’écriture est jolie et poétique, ça m’a pris un certain temps d’adaptation. J’ai dû me calmer les nerfs parce que certaines phrases se lisaient mal dans ma tête (ex: je vous mets celle-là parce que j’aime son propos mais aussi parce qu’elle illustre bien ce que je veux dire) :
« Il y avait certains êtres auxquels on s’attachait ainsi très vite et qu’on devait regretter cependant toute la vie peut-être, si on avait le malheur de les perdre. » p435

J’aurais aimé apprécier l’aspect philosophique de l’œuvre, mais malheureusement les éléments précédents ne m’ont pas permis d’avoir accès au cœur de cette histoire et j’ai plutôt senti quelque chose de très (j’ose????!) larmoyant.
emotional medium-paced
emotional hopeful inspiring reflective sad slow-paced

C'est un livre magnifique, tellement bien écrit, plein de douceur, de poésie et de nostalgie. Je ne suis juste pas à un moment de ma vie où je peux recevoir toute cette nostalgie. Je vais définitivement y revenir pour le terminer en temps et lieu !

I received this book through my university’s bookstore, thanks to my professor ordering it for our French class. The class’s purpose was to read accounts of different French-speaking countries–so if you’re looking to break out of American-centric literature, this might be the book for you! In all honesty, I had to read this book in French, and while I can understand and interpret a good portion of it, I’m sure I missed a lot of information as well. In terms of somebody who is learning the French language and about different cultures, this book expanded my vocabulary and helped me read French more efficiently.

What struck me the most about this novel was the language. There were many quotes that I felt the need to write down because they were so poignant not because of their flowery language, but because of how realistic Roy portrays her past. While there is a tad of nostalgia lingering between the lines, Roy makes it very obvious that her life was filled with hardships and that she worked very hard to get where she is by the end of the book. All in all, this novel was inspiring to me: seeing how one person can go from sickness and poverty to travelling the world and becoming a famous author is an important story for anybody struggling.

See the full review and synopsis here!

Une des plus belles plumes qu'il m'ait été donné de lire, un livre qui m'a émue aux larmes souvent et m'a permis de réfléchir à mon rapport à la langue française.